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PRESCRIPTION DE L’ACTION EN NULLITE DE LA VENTE DU LOCAL COMMERCIAL INTERVENUE EN MECONNAISSANCE DU DROIT DE PREFERENCE DU LOCATAIRE : FOCUS SUR L’ ARRET DE LA COUR D’APPEL DE NIMES DU 16 MARS 2023

Publié le : 27/10/2023 27 octobre oct. 10 2023

Conformément aux dispositions de l’article L145-60 du Code de commerce, toutes les actions exercées en application du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.

Cette prescription abrégée peut toutefois être source de difficultés dans la mesure où elle est susceptible de « coexister » avec la prescription quinquennale de droit commun selon que la question soulevée relève ou non du statut des baux commerciaux.

L’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 16 mars 2023 (n°22/02633) en fournit une illustration.

La situation était la suivante.

Des époux avaient donné à bail commercial à une SARL un appartement au sein d’une résidence de vacances, lequel a fait l’objet d’une vente par acte du 30 octobre 2018.

Le notaire instrumentaire a alors dénoncé cet acte de vente au preneur qui a refusé de régler aux nouveaux propriétaires les loyers postérieurs à la cession en excipant de la méconnaissance de son droit de préférence prévu à l’article L145-46-1 du Code de commerce.

Par acte du 18 novembre 2020, les acquéreurs lui ont fait délivrer assignation aux fins de solliciter sa condamnation au paiement de l’arriéré de loyers et charges.

Par conclusions en date du 18 octobre 2021, le preneur a, reconventionnellement, invoqué la nullité de la vente pour avoir été réalisée en fraude de son droit de préférence.

Les acquéreurs ont alors opposé la prescription de cette demande, les faits de l’espèce permettant d’établir que le preneur avait été informé de la cession (et donc de sa possibilité d’agir en nullité) dès le 04 décembre 2018, date à laquelle il avait écrit au notaire pour déplorer la méconnaissance de son droit de préférence.

En réponse, le preneur développait trois arguments.

En premier lieu, il soutenait que la prescription ne serait pas biennale mais quinquennale.
Cet argument est logiquement balayé par la Cour qui considère que le délai de prescription applicable est celui de deux ans prévu à l’article L145-60 dès lors que l’action en nullité du contrat de vente était fondée sur la méconnaissance d’une disposition d’ordre public relevant du statut des baux commerciaux (le droit de préférence du locataire commercial).

En second lieu, le preneur prétendait que la prescription avait été interrompue par la reconnaissance, par les acquéreurs, de la méconnaissance du droit de préférence lors de la vente.

Il excipait en effet d’un courrier adressé par le conseil des acquéreurs au notaire instrumentaire le 27 février 2020 aux termes duquel ces derniers auraient reconnu la violation du droit de préférence, interrompant ainsi la prescription à son profit au visa de l’article 2240 du code civil selon lequel « la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt la prescription ».

L’argument était habile mais ne pouvait pour autant convaincre.

En effet, la Cour relève à juste titre que le débiteur du droit de préférence méconnu et résultant de l’article L145-46-1 du Code de commerce est le vendeur et non l’acquéreur de sorte que le courrier du 27 février 2020 qui émanait de ce dernier n’avait pu interrompre la prescription.

Enfin et en troisième lieu, le preneur entendait combattre l’argument de la prescription de son action en invoquant la règle selon laquelle l’exception de nullité est perpétuelle et non soumise à prescription si elle est opposée en tant que moyen de défense à une demande d’exécution d’un acte irrégulièrement passé.

Là encore, la Cour fait preuve d’orthodoxie juridique en relevant que l’exception de nullité, pour être perpétuelle et ainsi échapper à toute prescription, doit être invoquée pour faire échec à une demande d’exécution de l’acte argué de nullité.

Or en l’espèce, le preneur se prévalait de la nullité de l’acte de vente du 31 octobre 2018 alors que les propriétaires poursuivaient l’exécution d’un acte juridique distinct, à savoir le contrat de bail commercial.

En conséquence, et quand bien même la vente avait manifestement été conclue en fraude du droit de préférence du bailleur, de sorte qu’elle encourait la nullité, le preneur n’a pu en tirer aucune conséquence en raison de la prescription de sa demande en nullité de la vente.

Il convient donc d’être particulièrement vigilant quant à ce bref délai de prescription applicable à toute action fondée sur le statut des baux commerciaux.

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