CONSÉQUENCE DU PRINCIPE D'OPPOSABILITÉ À L'ASSUREUR DE LA DÉCISION DE CONDAMNATION EN JUSTICE DE SON ASSURÉ
Auteurs : Philippe LIEF, Avocat associé au Barreau de Bordeaux
Publié le :
04/03/2022
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2022
Il résulte d'une jurisprudence désormais acquise que, à moins de fraude, le tiers lésé peut se prévaloir, à l'encontre de l'assureur, de la décision judiciaire condamnant l'assuré à réparation car celle-ci constitue la réalisation du risque couvert, tant dans son principe que dans son étendue (Cass. Civ. 1ère 28 juin 1989, n° 87 - 13. 294: Bulletin civil I n°257 ; pour une application plus récente de ce principe, voir Cass. Civ. 3ème, 18 février 2016, n°14 - 29.200).
Dans un arrêt du 3 février 2022, la Cour d'appel de Bordeaux, 2e Chambre civile (RG 18/06803), vient de faire une application de ce principe dans une affaire dans laquelle le cabinet GLLR défendait un syndicat des copropriétaires, demandeur à l’instance.
Il s’agissait du syndicat des copropriétaires d'une résidence dont les lots avaient été vendus en état futur d'achèvement par une société civile de construction-vente (SCCV). Se plaignant de différents désordres de construction affectant la résidence, le syndicat avait assigné la SCCV sur le fondement de sa responsabilité civile décennale, ainsi que l'assureur responsabilité civile décennale de la SCCV.
En cours de procédure de première instance, la SCCV s’est trouvée démunie de représentant légal, la SARL assurant la gérance de la SCCV ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et ayant été radiée du Registre du commerce et des sociétés. Le syndicat des copropriétaires a donc fait désigner un mandataire ad hoc chargé de représenter la SCCV devant le Tribunal saisi de l'affaire. Le mandataire ad hoc ne s’étant pas fait représenter devant le Tribunal, le débat sur la responsabilité de la SCCV a opposé le syndicat à la seule compagnie d'assurance de la SCCV.
Le jugement du Tribunal reconnaît la responsabilité de la SCCV et condamne sa compagnie d'assurance à payer des dommages et intérêts au syndicat au titre des travaux de reprise des désordres. Celle-ci interjette appel, mais sans mettre en cause dans la procédure d'appel la SCCV représentée par son mandataire ad hoc.
Le syndicat des copropriétaires oppose alors à la compagnie d'assurance la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement de première instance, concernant la responsabilité de la SCCV.
L'assureur conteste cette fin de non-recevoir en faisant valoir que, ayant été partie à la procédure de première instance, il serait recevable à contester la décision de première instance en ce que celle-ci a retenu la responsabilité de son assuré.
L'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux donne droit au syndicat des copropriétaires. Rappelant les dispositions de l'article L. 113-5 du Code des assurances, aux termes duquel "lors de la réalisation du risque l'assureur doit exécuter la prestation déterminée par le contrat", la Cour juge que "le syndicat des copropriétaires fait justement valoir que cette décision condamnant l'assuré en raison de sa responsabilité constitue pour l'assureur de cette responsabilité la réalisation tant dans son principe que dans son étendue, du risque couvert et lui est dès lors opposable".
Faute d'avoir mis en cause son assuré dans le cadre de la procédure d'appel, l'assureur ne peut donc plus contester la responsabilité de son assuré et donc son obligation d'indemniser la victime de son assuré. L'assureur pouvait tout au plus contester le principe ou les limites de sa garantie (clause d'exclusion de garantie, franchise, etc.), mais pas la responsabilité de son assuré. Cette affaire démontre qu'il convient de bien distinguer ces deux aspects de la garantie de l'assureur.
Philippe LIEF
Avocat associé au Barreau de Bordeaux
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