Le projet de cession du fonds de commerce du preneur ou de son droit au bail ne constitue pas un motif légitime de précarité.
Auteur : Maxime GRAVELLIER
Publié le :
16/01/2020
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2020
Cour de cassation, 3ème chambre civile, 12/12/2019, n°18-23.784:
L’article L145-5-1 du Code de commerce offre la possibilité de déroger au statut des baux commerciaux en concluant une convention dite « d’occupation précaire » qui ne doit pas être confondue avec le bail dérogatoire visé à l’article L145-5.
Ce dernier prévoit la possibilité, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, de déroger au statut des baux commerciaux à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs n’excède pas trois années (deux ans avant l’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014).
A cet égard, le bailleur doit être particulièrement vigilant. En effet, si le preneur est laissé en possession à l’issue d’un délai d’un mois suivant l’échéance du bail dérogatoire, il s’opère un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux.
En revanche, la convention d’occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties.
Par exemple : l’occupation d’un immeuble voué à la démolition. Dans un tel cas de figure, les parties seraient en droit d’échapper au statut des baux commerciaux en régularisant une convention d’occupation précaire qui prendra de facto fin lors de la survenance de l’évènement ayant justifié sa conclusion.
En l’espèce, un renouvellement de bail avait été consenti au preneur le 1er janvier 2005.
Deux ans plus tard, les parties se sont accordées sur une rupture anticipée du bail et sur la possibilité pour le preneur de se maintenir dans les lieux pour une durée de 23 mois afin de favoriser la cession de son fonds de commerce ou de son droit au bail.
Quelques mois après l’écoulement du délai de 23 mois, le bailleur assigne le preneur en expulsion, ce dernier sollicitant que le bénéfice d’un bail commercial lui soit reconnu.
La Cour d’appel fait droit à la demande du bailleur, relevant que les parties ont entendu limiter l’occupation à 23 mois et qu’il s’agissait d’une convention d’occupation précaire motivée par un évènement incertain et extérieur à la seule volonté des parties, à savoir la cession du fonds de commerce du preneur ou de son droit au bail, laquelle est tributaire de l’intervention d’un tiers.
La Cour d’appel considère donc qu’il s’agit d’un motif légitime de précarité.
La Cour de cassation censure cette décision en relevant :
- D’une part, que le projet de cession portant soit sur le fonds de commerce soit sur le droit au bail du preneur exclut l’existence d’une cause objective de précarité de l’occupation des lieux
- D’autre part, que le preneur étant demeuré dans les lieux au-delà des 23 mois sans que le bailleur ne manifeste son opposition, il s’est opéré un nouveau bail statutaire.
En d’autres termes, la Cour de cassation considère qu’en l’absence de motif légitime de précarité, l’accord intervenu entre les parties permettant au preneur d’occuper les lieux pour une durée de 23 mois (sous l’empire du régime antérieur à la loi du 18 juin 2014, un bail dérogatoire de courte durée ne pouvait être conclu que pour une durée maximale de 2 ans, contre 3 actuellement) doit être qualifié de bail dérogatoire de courte durée au sens de l’article L145-5 du Code de commerce, permettant ainsi au preneur, en cas de maintien dans les lieux sans opposition du bailleur au-delà de l’échéance, de revendiquer le bénéfice d’un bail commercial.
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