L’INCOMPETENCE DU JUGE DES REFERES POUR DESIGNER UN EXPERT DANS LE CADRE DE LA FIXATION DU LOYER D’UN BAIL RENOUVELE
Publié le :
22/12/2023
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2023
Le renouvellement d’un bail commercial est l’objet d’un abondant contentieux notamment lorsque bailleur et preneur sont en désaccord sur le montant du loyer du bail renouvelé.
Ce désaccord se manifeste régulièrement à l’occasion de la délivrance par le bailleur d’un congé avec offre de renouvellement et proposition d’un loyer fixé à la valeur locative en raison de l’existence alléguée d’un ou plusieurs motifs de déplafonnement.
Rappelons en effet que si le loyer d’un bail renouvelé est, par principe, plafonné à un montant obtenu à la faveur d’un calcul tenant compte de la variation indiciaire, il existe des hypothèses dans lesquelles il peut être déplafonné et donc fixé à la valeur locative, généralement plus élevée que la valeur « plafond » résultant du jeu des indices.
Si les parties ne s’accordent pas sur le montant du nouveau loyer, la saisine du juge des loyers commerciaux est inévitable, étant ici rappelé que l’action en fixation du prix du bail renouvelé se prescrit par deux ans.
Ainsi, en cas de congé délivré par le bailleur avec offre de renouvellement moyennant une modification du prix, celui-ci doit saisir le juge des loyers dans un délai de deux ans à compter du jour de la prise d’effet du nouveau bail.
A défaut, le bail sera renouvelé aux conditions du bail expiré.
Le Président du tribunal judiciaire, statuant en tant que juge des loyers commerciaux, a compétence exclusive pour toutes les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé.
En pratique, le recours à l’expertise judiciaire est souvent inévitable.
En effet, si la partie à l’origine de la procédure se prévaut régulièrement, à l’appui de ses prétentions sur le montant du loyer, d’un rapport d’expertise privé, celui-ci sera rarement considéré comme suffisant pour emporter la conviction du juge.
Il faut en effet rappeler que si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties.
Dans la majorité des cas, le juge des loyers commerciaux ordonne par conséquent la désignation d’un expert et ne tranchera la question du montant du loyer renouvelé ou révisé qu’à l’aune du rapport de ce dernier.
La question pouvait toutefois se poser d’une éventuelle compétence du Président du tribunal judiciaire statuant non plus en tant que juge des loyers commerciaux mais en tant que juge des référés pour ordonner une telle expertise, et ce au visa de l’article 145 du Code de procédure civile (expertise dite « in futurum »).
La réponse est ici négative notamment depuis une décision bien établie de la Cour d’appel de Paris du 13 février 1991 (n°90/24643) aux termes de laquelle elle a considéré qu’en raison de la compétence exclusive du juge des loyers commerciaux, le juge des référés ne pouvait ordonner une mesure d’expertise permettant au bailleur d’établir la valeur locative des locaux en vue de la fixation ultérieure du prix du bail renouvelé.
Cette décision a été réitérée par la Cour d’appel de Versailles dans une décision du 05 novembre 2020 (n°20/02776).
La désignation d’un expert judiciaire à l’effet d’apprécier la valeur locative en vue de la fixation ultérieure du prix du bail renouvelé ou révisé interviendra donc toujours sur décision du juge des loyers commerciaux.
En revanche, le juge des référés pourra être compétent, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, pour désigner un expert dans d’autres hypothèses qui ne relèvent pas du domaine de compétence exclusive du juge des loyers commerciaux, notamment par exemple dans le cadre de l’évaluation d’une indemnité d’éviction à la suite d’un congé avec refus de renouvellement.
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