La responsabilité des professionnels de santé, lorsqu’ils utilisent un produit qui s’avère défectueux et préjudiciable au patient, reste subordonnée à la démonstration d’une faute de leur part
Auteur : Pascaline SADOUX-ALLARD
Publié le :
02/04/2020
02
avril
avr.
04
2020
Commentaire de l’arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 26 février 2020, n°18-26-256
Dans un arrêt daté du 26 février 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence relative à la responsabilité pour faute des professionnels de santé, même lorsqu’ils utilisent un produit qui s’avère défectueux et préjudiciable au patient.
En l’espèce, un homme, qui avait subi une pose de prothèses aux deux hanches près de deux ans auparavant, a été victime d’une chute, en raison de la rupture de l’une de ses prothèses.
Après avoir subi une chirurgie réparatrice, il conserve des séquelles pour lesquelles, suite à une expertise judicaire, il assigne en responsabilité le chirurgien à l’origine de la pose des prothèses et le producteur de ces dispositifs de santé.
La Cour d’appel a alors retenu la responsabilité pleine et entière de la société productrice des prothèses et, de manière subséquente, l’a condamnée à indemniser l’ensemble des préjudices subis par le plaignant.
Saisie d’un pourvoi principal par la défenderesse succombant et d’un pourvoi incident par le demandeur initial, la Haute juridiction a confirmé la décision des juges du fond en réaffirmant le principe de la responsabilité pour faute prouvée des professionnels de santé et des établissements de santé privés.
La demanderesse au pourvoi principal contestait le caractère défectueux de ses implants prothétiques en arguant des conclusions expertales qui excluaient tout défaut de conception ou de fabrication. Elle entendait démontrer que l’origine de la rupture de la prothèse se trouvait dans une autre cause.
En réponse, la Cour de cassation a rappelé que les juges du fond ne sont pas tenus par les conclusions expertales, et ont pu, souverainement, déduire, des éléments du rapport d’expertise, que les produits de santé étaient affectés d’une défaut engageant la responsabilité de plein droit du producteur à l’égard de la victime.
L’intérêt de cette décision réside davantage dans sa réponse au pourvoi incident formé par le patient qui visait à faire retenir la responsabilité du chirurgien qui avait posé les prothèses. Il invoquait l’exception au principe de responsabilité pour faute des praticiens « dans les cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé », prévue à l’article L 1142-1 alinéa 1er du Code de santé publique et en référence à la loi du 19 mai 1998 instaurant un régime de responsabilité du fait des produits défectueux.
La Cour de cassation a alors rappelé, de manière pédagogue, l’évolution de la responsabilité du fait d'un produit de santé défectueux, distinguant le régime de responsabilité des établissements de santé publics de celui des professionnels de santé et établissements de santé privés.
Elle en vient à réaffirmer sa position actuelle, divergente de celle du Conseil d’Etat, et qui vise à exclure toute responsabilité sans faute du professionnel de santé ou établissement de soins privés.
Cependant, ce régime favorable reste subordonné à la restriction édictée à l’article 1245-6 alinéa 1er du Code civil qui dispose que :
« Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.»
En l’espèce, le producteur était identifié et mis en cause initialement par la victime.
Par conséquent, le producteur voyait sa responsabilité de plein droit engagée du fait des produits défectueux tandis que le praticien bénéficiait d’un régime de responsabilité pour faute prouvée.
La victime devait donc démontrer une faute du chirurgien afin de voir ses demandes à son égard accueillies ; ce qui en l’espèce faisait défaut.
Dans l’hypothèse où le producteur n’aurait pas été identifié, le praticien, en tant que fournisseur professionnel, aurait dû désigner son propre fournisseur ou le producteur dans le délai de trois mois à compter de la réception de la demande de la victime.
A défaut, il serait demeuré responsable de droit du défaut de sécurité du produit litigieux selon le régime propre aux produits défectueux.
Pour conclure, il reste regrettable que pour un même événement dommageable, les règles de responsabilité diffèrent selon que la victime se trouve soignée dans un établissement de soins public ou dans une clinique privée.
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