FOCUS SUR L’EXTENSION VOLONTAIRE DU STATUT DES BAUX COMMERCIAUX
Publié le :
14/09/2020
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La jurisprudence de la Cour de cassation est parfaitement établie en ce sens qu’il est tout à fait loisible à des cocontractants d’étendre le statut des baux commerciaux à des situations qui n’y sont pas soumises de plein droit, sous réserve bien entendu de ne pas se soustraire à un autre régime impératif.
Une telle soumission au statut des baux commerciaux peut résulter d’un accord exprimé par les parties lors de la formation du contrat ou tacitement par l’usage, dans la convention, de dispositions propres au statut des baux commerciaux, étant précisé que la seule dénomination de « bail commercial » est à elle seule insuffisante pour entrainer cette qualification.
Depuis un arrêt de la Cour de cassation rendu en Assemblée plénière le 17 mai 2002, il est systématiquement jugé que la soumission conventionnelle aux dispositions du statut des baux commerciaux entraine son application totale à chacune des parties, sans possibilité pour elles d’en écarter certaines dispositions impératives.
Cela semble logique : on ne peut pas en même temps revendiquer le statut des baux commerciaux tout en écartant certaines de ses dispositions impératives.
Ainsi, un bailleur ne peut pas dénier à son locataire le droit au renouvellement ou son corollaire, le droit au paiement d’une indemnité d’éviction, même si lors du renouvellement, le locataire n’était pas inscrit au Registre du commerce et des sociétés et ne remplissait donc pas les conditions pour bénéficier de la propriété commerciale.
C’est notamment ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 28 mai 2020.
En l’espèce, les propriétaires d’une villa meublée avec terrain, terrasse et piscine avaient donné celle-ci à bail, pour une durée de neuf années, à une société en vue d’y exercer une activité d’exploitation hôtelière et/ou para-hôtelière.
En d’autres termes, l’activité de cette société consistait en de la sous-location meublée avec mise à disposition de services ou prestations para-hôtelières à la clientèle.
Le bail stipulait que les parties déclaraient « leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux tel qu’il résulte de l’article L145-1 du Code de commerce et des textes subséquents, et ce même si toutes les conditions d’application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie ».
Alors que les bailleurs avaient, dans un premier temps, fait délivrer à la société locataire un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction, ils lui ont, dans un second temps, dénié tout droit à indemnité d’éviction au motif qu’elle n’était pas immatriculée au RCS dans les lieux loués.
La Cour d’appel de Pau avait alors rejeté la demande du locataire en paiement d’une indemnité d’éviction en observant qu’il n’était pas stipulé au bail que le bailleur acceptait, de façon non équivoque, de dispenser le preneur de l’obligation d’immatriculation au RCS, de sorte que cette condition aurait dû être remplie à la date du congé.
L’arrêt est logiquement cassé, la haute juridiction relevant que les juges du fond ont dénaturé la convention claire et précise en vertu de laquelle le bailleur avait renoncé à se prévaloir de la condition d’immatriculation, le privant définitivement de toute faculté de dénier au locataire le bénéfice du statut des baux commerciaux pour ce motif ( 3ème civ, 28/05/2020, n°19-15.001)
Précisons enfin, même si cela va de soi, que la soumission conventionnelle au statut des baux commerciaux ne peut être invoquée pour pallier l’absence de réunion des conditions objectives d’application du statut dès lors que ce statut a vocation à s’appliquer de plein droit.
Ainsi par exemple, un preneur serait mal fondé à exciper d’une extension volontaire du statut propre à justifier son défaut d’inscription au RCS et à le faire bénéficier de la propriété commerciale alors qu’il est établi qu’il a la qualité de commerçant, que le bail a bien été conclu pour les besoins d’une activité commerciale et que donc le statut des baux commerciaux avait vocation à s’appliquer de plein droit (Cour d’appel de Paris, 28/10/2009, n°08/09449).
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