CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE D'UNE GARANTIE DE PASSIF ENVIRONNEMENTAL
Auteur : Philippe Lief
Publié le :
04/03/2022
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Un jugement rendu par le Tribunal de commerce de Libourne le 18 février 2022 (n° 2019000858) dans une affaire dans laquelle intervenait le Cabinet GLLR, statue les conditions de mise en œuvre d'une garantie de passif environnementale.
Une société holding (défendue par le Cabinet GLLR) avait vendu à une société tierce les titres d'une société filiale exploitant un fonds de commerce dans le secteur de la grande distribution, lequel fonds de commerce comprenait une station-service en activité.
La cession était intervenue sur la base d'un prix provisoire, le prix définitif devant être arrêté au vu d'un "bilan de cession".
Le protocole de cession prévoyait la réalisation d'un audit environnemental de la station-service et stipulait qu'en cas de nécessité de mise en conformité ou de dépollution révélée par cet audit, les frais afférents seraient provisionnés dans le "bilan de cession".
Le rapport d'audit environnemental avait conclu, en cas de maintien de l'usage du site de la station-service, à la nécessité de mesures de surveillance des eaux souterraines, mesures dont le montant n'était pas chiffré et, en cas de changement d'usage du site, à la nécessité de travaux d'excavation et de traitement hors site des sols pollués, dont le coût global s'élevait, selon une première évaluation, à un montant proche de 1,4 M€ HT.
L'acquéreur de la société cédée prétendait provisionner ce montant de 1,4 M€ dans le « bilan de cession » et voir diminuer d'autant le prix de cession. Il engageait à cet effet une procédure judiciaire.
Le vendeur de la société faisait valoir pour sa défense que, selon le protocole de cession, le "bilan de cession" devait être arrêté selon les principes comptables habituellement admis en France, conformément aux hypothèses de base, dont notamment celle de continuité de l'exploitation. Il en déduisait dès lors que la provision pour "frais de dépollution" devait être établie sur la base d'une hypothèse de poursuite des activités de la société cédée, dont l'activité de station-service. La situation était donc celle d'un maintien de l'usage du site, et dès lors le vendeur n'était tenu que de prendre en charge le coût des mesures de surveillance des eaux souterraines (non chiffrées).
Dans sa décision du 18 février 2022, le Tribunal de commerce de Libourne suit l'argumentation du vendeur et déboute l'acquéreur de l'intégralité de ses demandes.
Cette solution est parfaitement conforme au droit français de l'environnement. Une station-service constitue une installation classée pour la protection de l'environnement ("ICPE") soumise à déclaration (et non à autorisation). Le Code de l'environnement ne prévoit une obligation de "remise en état" d'un site accueillant une ICPE que lors de l'arrêt de l'activité de l'ICPE, et pas en cours d'exploitation, sauf en cas de risque pour la santé, la sécurité ou l'environnement.
La remise en état d'un site se fait toujours en fonction d'un usage, actuel ou futur (usage industriel ou usage plus sensible tel qu'usage de bureau, commercial ou d'habitation). En d'autres termes, il n'existe pas d'obligation réglementaire de "dépollution", et il convient de parler de "remise en état" en fonction de l'usage du site.
Dans le cas d'une ICPE soumise à déclaration, comme en l'espèce pour une station-service, il ressort des articles L. 512-12-1 et R. 512-66-1-III du Code de l'environnement qu'il appartient au dernier exploitant de l'installation, lorsqu'il cesse son activité, de remettre le site en état pour un usage futur "comparable à la dernière période d'activité de l'installation". Contrairement aux ICPE soumises à autorisation ou enregistrement pour lesquelles les exploitants peuvent être dans certains cas tenus de remettre le site en état de manière à y permettre un nouvel usage plus sensible, l'obligation de l'exploitant d'une ICPE soumise à simple déclaration se limite à une remise en état de nature à permettre un nouvel usage industriel du site.
Il était donc parfaitement justifié que le Tribunal de commerce de Libourne, en l'absence d'arrêt de l'activité de la station-service, ne mette pas à la charge du cédant des frais de remise en état du site destinés à permettre un usage du site plus sensible que l'usage industriel existant.
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